Jérôme Mouchel est charpentier traditionnel à Bourgtheroulde (Eure), et pour chacun de ses chantiers, il met un point d’honneur à respecter tradition et environnement.

« Moi, j’adore faire joujou avec des bouts de bois », comme il s’amuse à le dire. Jérôme Mouchel est artisan à la Charpenterie du Moulin, située à Bourgtheroulde (Eure). Son credo : la préservation du patrimoine ancien, la charpente à l’ancienne et la maçonnerie traditionnelle. Cet originaire d’Elbeuf qui a grandi à Bosc-Roger est un « enfant du pays ». Après un parcours qu’il qualifie de « tortueux », ce passionné du bois s’est spécialisé dans le traditionnel. Son dernier chantier ? La rénovation entre janvier et février 2020 de la boutique d’une ferme biologique à Écaquelon (Eure), au cœur du Roumois.

« Le bâtiment est superbe. C’est une grange du XVI ou XVII en pierre ». Jérôme Mouchel s’est occupé de sortir l’ancienne poutre de la bâtisse, avant de tailler à la hache et de remettre en place la nouvelle. Taille de son « joujou » : un peu plus de six mettre, pour 500 kg. « La remettre, ce n’est pas si simple », complète-t-il avec une pointe d’ironie. Car s’il a bénéficié de l’aide de son apprenti, Jérôme Mouchel a l’habitude de réaliser ce genre de travaux seul. « Je fais ça à la main, avec des cordes. De l’extraction de l’ancienne poutre, jusqu’à la pose de la nouvelle. »

Impressionnant ? Pas tellement, selon lui. « Il y a beaucoup de manipulations de cordage. En France, on doit être une centaine de personnes formées à cette technique. Je travaille avec du matériel d’escalade, des poulies, des bloqueurs, des descendeurs. » À l’entendre, c’est surtout de la technique, plus que de la force physique brute. « On apprend à être malin », ajoute-t-il avec le sourire.

Privilégier le bois local

Celui qui a construit sa maison écologique met aussi un point d’honneur à respecter la tradition du bois. « Je ne supporterais pas qu’un maçon mette du ciment sur mon bois, donc je préfère faire la maçonnerie moi-même. » Le ciment, il ne faut pas lui en parler, sinon il voit rouge. « Sur du bâtiment ancien, le ciment, c’est strictement intolérable. On risque la santé du bâtiment », renchérit-il. Et c’est sans compter le côté esthétique. « On devrait trouver d’autres manières d’habiller pour les bâtiments. C’est la mode du ciment, mais on perd des pans entiers de patrimoine », remarque l’artisan, amer. Alors pour lui, pas de matériaux modernes sur du bâtiment ancien, tout simplement.

Respect du patrimoine et des traditions, mais aussi préservation de l’environnement sont des règles auxquelles il ne déroge pas. Pour cet amoureux du bois, travailler avec des matériaux locaux est une condition sine qua non. « Je ne l’envisage pas autrement. » Pourtant, ce n’est pas toujours simple. Il s’explique : « Lors de mon prochain chantier, vers Cherbourg, il n’y a pas de scierie à proximité. La plus proche est à Carentan (à environ une heure de Cherbourg, N.D.L.R.). On va s’en sortir, mais ça va être difficile. J’ai des contacts là-bas », note-t-il.

Pour lui, privilégier du bois local rentre dans une logique bien spécifique. « Il n’y a pas meilleur que les matériaux du terroir où on construit pour résister aux conditions climatiques. » Selon lui, « un arbre qui a su résister à un vent, à l’humidité d’une région pendant 30, 40, 50 ans va bien mieux s’adapter en tant que bois d’œuvre. » Par exemple, pour le chantier de la ferme d’Écaquelon, la poutre provient de la scierie de Beaumont, à une vingtaine de kilomètres.

Et si ce normand reste un enfant du pays, il n’hésite pas à élargir sa zone d’activité. « Je fonctionne beaucoup au coup de cœur de chantiers. Je suis un peu itinérant », lance-t-il. En parlant de calendrier, le sien est d’ailleurs bien rempli. « L’horizon est bouché pour l’année prochaine. » Et pour la suite ? Il touche du bois.

Extrait de l’article de presse du Courrier de l’Eure du 12/02/2020.